La France vue d'Ici #2

Photos de Patrice Terraz, Frédéric Stucin, Anne Rearick, Raphaël Helle, Géraldine Millo, JR Dantou, Loïc Bonnaure, Paul Arnaud...
 

La France vue d'Ici est née en 2014 pour dresser un état des lieux photographique de la France jusqu’en 2017. Ce projet ambitieux vise à répondre à la nécessité de témoigner visuellement des mutations de la société française.

Le second volet de La France vue d'Ici , avec cette fois près d’une dizaine de photographes, traversera la thématique de la jeunesse : de l’enfance jusqu’au travail en passant par l’école.

Chercher, dans cette France contemporaine, où se cache le déterminisme social qui fait que le chemin des uns sera plus tortueux que celui des autres. Chaque photographe touche ici le reflet d’un quotidien pas toujours tendre, d’histoires pas toujours simples, de singularités, d’identités, de protestations différentes…
Une seconde édition proche d’un réel trop souvent ignoré, un portrait documenté de notre territoire, pour mettre à bas bon nombre de clichés sur cette jeunesse, certes, parfois désorientée mais si vivante et soucieuse de se construire un avenir.

www.lafrancevuedici.fr


Le ZEF, Scène nationale de Marseille - Merlan
1h30 avant et après les représentations
Entrée libre
http://www.merlan.org/
Avenue Raimu
13014 Marseille
04 91 11 19 20

Article paru le mercredi 6 mars 2019 dans Ventilo n° 424

La France vue d’ici #2 au Théâtre du Merlan

Être jeune, est-ce… ?

 

Une nouvelle fois, le Merlan propose à ses spectateurs de découvrir des images du grand projet photographique La France vue d’ici. Une exposition autour de la jeunesse, de l’enfance au monde du travail vue à travers les objectifs de neuf photographes.

  La France vue d’ici est une initiative du Festival ImageSingulières et Médiapart, qui décident en 2014 de documenter la France et de récolter et commander des images à vingt-six photographes. Une France qui n’est pas forcément représentée dans les médias, rurale ou (péri)urbaine, industrielle ou agricole, marginale ou trop bien rangée, c’est le portrait d’un pays au mille facettes qui a été rassemblé dans un ouvrage et sur un site. On peut d’ailleurs voyager à travers tous les projets dans le film photographique raconté par la voix de François Morel, qui était projeté pour le vernissage de l’expo et qu’on retrouve sur le net. Associé à cette enquête gigantesque en coproduisant et en exposant la série de Yohanne Lamoulère autour des quartiers nord de Marseille, et pour la deuxième fois cette année, le Merlan montre une sélection parmi les centaines de photographies qui composent ce projet monumental. Après un premier accrochage autour de la notion de point de vue et de panorama, cette nouvelle exposition exhibe la jeunesse comme on n’a pas l’habitude de la montrer. Mais quelle jeunesse ? Une petite gosse en blouse un peu sale et usée dans une cuisine modeste, quelques portraits de familles sur le meuble derrière la table. Un bel homme et une jeune femme qui semble le supplier du regard, alors que le sien est soucieux et tourné vers le sol. Une jeunesse qui a l’air déjà vieille. Pourquoi ont-ils l’air si sérieux ? (Anne Rearick) Peut-être parce qu’ils ont la vie dure. Se sont formés dans des lycées pro, travaillent dans l’hôtellerie, l’esthétique, l’agro-alimentaire, les usines (Géraldine Millo). Ils fument, boivent des canettes. Parfois se bagarrent. En bleu de travail, ces étudiants d’un lycée agricole transpirent la violence et la haine (Patrice Terraz). De l’incompréhension et la colère d’un corps à peine cicatrisé. Le regard hargneux de la jeune fille au doigt d’honneur contraste avec celui, froid, d’une jeune femme riche au chapeau à ses côtés (Frédéric Stucin). Des jeunes qui sortent le week-end, vont au centre commercial, font du vélo sur les parkings (Paul Arnaud). Avant d’en arriver là, c’était des enfants, ils ont fait leurs devoirs, récité leurs leçons à leurs mères, joué au ballon avec leurs pères (Jacob Chetrit). Ils sont partis en vacances, en colonies, ou ont fait bronzette en famille sur les plages bondées du Sud (Loïc Bonnaure). Ensuite, ils deviendront des travailleurs, dans des usines comme celle de Peugeot par exemple, des jeunes qui font les trois huit, à la chaine. Le même mouvement répété toute la journée (Raphaël Helle). Une jeunesse dont la seule issue est peut-être la révolte. Occuper des places, foutre le feu aux poubelles, balancer des pavés et s’insurger pour sortir de cette impasse où ils sont depuis leur naissance sans avoir choisi où (JR Dantou). Personne ne sourit, personne ne semble tellement heureux. Cette génération semble démunie, elle n’a pas trop l’air de savoir ce qu’elle fout là ni ce qui l’attend. Ce n’est pas l’insouciance et la joie que l’on voit dans les films ou les séries, celle qui s’amuse, qui sort dans les bars et les boîtes, qui fait du sport, va au ciné. C’est une jeunesse un peu triste et morose, désillusionnée. Bien que les photos aient toutes été réalisées avant le mouvement des gilets jaunes, elles résonnent avec — voire préfigurent — l’actualité. Ces visages reflètent les conditions de vies, mais aussi les inquiétudes et les revendications d’une grande partie de la population française qui semble laissée à elle-même et oubliée. Même si tout ça n’est pas très réjouissant, ces images touchent et posent questions.  

Mathilde Ayoub

 

La France vue d’ici #2 : jusqu’au 30/06 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e). Rens. : www.merlan.org

Pour en (sa)voir plus : www.lafrancevuedici.fr