Fræme (Marseille) est heureuse d’inviter l’artiste allemande basée à Berlin Susanne Bürner à présenter une grande exposition collective regroupant des œuvres aux formes diverses (photographie, vidéo, sculpture, installation, entre autres médiums). Nouvelle variation du projet « Mimicry – Empathy » initié en 2018 à la Fondation Lajevardi à Téhéran (Iran), l’exposition qui se tiendra à la Friche la Belle de mai à Marseille du 12 mars au 5 juin 2022, aborde et questionne les domaines émotionnellement fragiles du mimétisme comme stratégies de survie.
Du mimétisme à l’empathie : un équilibre entre adaptation visuelle et engagement émotionnel
En biologie le mimétisme (mimicry) est l’imitation principalement visuelle à une autre forme de vie, une stratégie qui peut s’avérer avantageuse et in fine assurer la survie.
Dans son essai « Mimétisme et psychasthénie légendaire », Roger Caillois suggère que, contrairement aux idées reçues, les animaux se fondent dans leur environnement non pas pour se protéger, mais plutôt par désir mythologique de dissolution dans le monde. C'est cet équilibre entre un objectif pragmatique de devenir autre et l'émancipation vis-à-vis de cet objectif qui est évoqué à travers les œuvres de l'exposition.
Ce mécanisme ne relève pas exclusivement d’une pratique animale, mais se joue également au sein de divers phénomènes de nos sociétés humaines. Les œuvres de l’exposition Mimicry – Empathy mettent en perspective différentes stratégies d’adaptation et les formes de vie idéalisées qui en résultent.
L'évolution du mimétisme exige un certain degré d’empathie, élément essentiel à la compréhension du système que l’on veut intégrer. Aussi, le succès de l’assimilation visuelle dépend totalement du degré d’engagement dans la pensée et les stratégies de l’autre, voire de l’adversaire. Paradoxalement, c’est cette empathie qui brouille les frontières entre l'imitateur·rice et le modèle. Un processus de remise en question de l’être original est donc nécessairement à l’œuvre.
« L’ouverture à l’Autre, qui nous ressemble mais n’est pas soi, est une brèche dans un amour de l’illusion. En effet, le dévoilement de la méprise, du leurre auquel notre narcissisme nous fait prendre nous-même pour l’Autre, est le piège de l’écranité qui remplace l’artefact. Les photographies, peintures, installations et films de l’exposition Mimicry-Empathy sont autant de trébuchets qui provoquent une rencontre, l’ici et maintenant du glissement, du soulèvement d’un rideau, prêt à s’envoler avant une chute légère, ou une déchirure réelle. » Marie de Brugerolle, extrait du texte "PRELUDE : Devant le rideau....je me tiens” réalisé pour l’exposition.
La transformation comme essence du mimétisme
Le processus de mimétisme initie une transformation de l’imitateur·rice à travers l’échange avec et la relation à l’autre, dans le but de se conformer à une image particulière considérée comme avantageuse.
C'est dans les expériences de transformation de l'individu au sein du groupe et dans l'empathie mutuelle authentique que réside finalement le potentiel de changement de la société.
L’exposition Mimicry – Empathy s’intéresse davantage au processus même de transformation qu’à l'image visée et aborde ainsi la formation de l'identité par l'expérience multiple du mimétisme. Comme des adolescent·e·s jouent à tester leur identité au travers de différentes affiliations à un groupe, le·la visiteur·euse est invité·e à découvrir des variations du soi dans le miroir de l'exposition.
Alors que nous considérons les visages comme la clé de lecture d'une personne, cette recherche intime de soi trouve son allégorie dans le masque. Oscar Wilde affirmait : « L'homme est le moins bien loti lorsqu'il parle en sa propre personne. Donnez-lui un masque, et il vous dira la vérité ». Les masques nous permettent de devenir d'autres personnes et pourtant ils révèlent celui·celle qui les porte. Ils sont à la fois alias et originaux.
Avec les artistes : Caroline Achaintre, Armin Alian, BLESS, Ulla Von Brandenburg, Susanne Bürner, Berta Fischer, Wiktor Gutt & Waldemar Raniszewski, Sofia Hultén, Annette Kelm, Vera Lehndorff & Holger Trülzsch, Jochen Lempert, Alexandra Leykauf, Sonya Schönberger, Anika Schwarzlose et Daniel Steegmann Mangrané
Susanne Bürner est une artiste basée à Berlin. À travers un large spectre de sujets, elle explore les dimensions psychologiques des images, dirigeant l’attention des spectateurs sur les questions de présence et d’absence incluant sa projection personnelle. L’architecture joue un rôle essentiel dans son travail, comme tentative humaine de structuration de l’espace et de la société, et d’agencement méthodique de nos vies. Son travail a été exposé au Los Angeles Filmforum, CAPC Bordeaux, Hamburger Bahnhof Berlin, Hygiene Museum Dresden, Kunstraum Kreuzberg, South London Gallery, Fotomuseum Winterthur. Elle a organisé des expositions et des projections à la Galerie Giti Nourbakhsch Berlin, L40 Berlin, Videonale Bonn et Lajevardi Foundation Tehran.
Exposition en partenariat avec l’IFA (Institut für Auslandsbeziehungen) et le Gœthe Institut.
Charlotte Lazarewicz