Dominique White - Les Cendres du naufrage

Installation

Pour sa première exposition personnelle en France, Dominique White, sculptrice britannique récemment installée à Marseille, s’empare de l’espace d’exposition avec une œuvre inédite où elle dépeint l’État comme une Hydre : une bête impitoyable dont les multiples têtes se régénèrent sans cesse.

En remplaçant les têtes par des harpons défigurés, et le corps de la bête par un navire, l’artiste interroge le pouvoir de régénération de l’État et sa capacité d’adaptation constante comme outil de maintien de l’ordre dominant. Connue pour son travail composant des formes tout à la fois fragiles et fantomatiques mais aussi puissantes et menaçantes, Dominique White embarque les visiteurs dans un univers d’anticipation mêlant cordes, filets usagés, rafias, fonte de fer, acajou brulé et porcelaines moulées en argile qui s’allient dans l’évocation de la puissance transformative des vagues et du naufrage.

Une exposition Triangle – Astérides, centre d’art contemporain d’intérêt national, dans le cadre du festival Le Printemps de l’Art Contemporain.

 

www.lafriche.org

 

https://www.journalventilo.fr/dominique-white-les-cendres-du-naufrage-a-la-tour-panorama-de-la-friche-la-belle-de-mai/

 

Dominique White (1993, GB) a été accueillie en résidence à Triangle – Astérides en 2020, qui l’a soutenue dans sa démarche d’installation dans la cité phocéenne. Cette exposition est le fruit de deux années de soutien et d’accompagnement qui se concluent par l’introduction de l’artiste aux publics à travers la production d’un projet d’envergure, constituant une étape significative pour le travail de l’artiste. Diplômée de l’école d’art de Goldsmiths à Londres en 2015, Dominique White a récemment montré son travail dans le cadre d’expositions personnelles et collectives à VEDA Firenze, Florence (IT) (2021-2); Art Quarter Budapest (HU) (2021); et UKS, Oslo (NO) (2021). Dominique White a reçu le Prix “Ad Occhi Chiusi…” de la Fondazione Merz en 2021 et le Prix Roger Pailhas en 2019 pour ses installations présentées par VEDA Firenze. Elle a également été récompensée par Artangel (GB) et la Henry Moore Foundation (GB) en 2020 et a été artiste en résidence à Sagrada Mercancía (CL), membre du réseau Triangle Network et La Becque (CH) en 2020 et 2021.


Tour-Panorama / Friche La Belle de Mai
Jusqu'au 5/06 - Mer-ven 14h-19h + sam-dim 13h-19h
0/3/5 €
https://p-a-c.fr/le-festival
41 rue Jobin
Friche La Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le mercredi 30 mars 2022 dans Ventilo n° 461

Dominique White - Les Cendres du naufrage à la Tour-Panorama de la Friche La Belle de Mai

White Spirit

 

Du diaphane et aérien Panorama de la Friche Belle de Mai émergent Les Cendres du naufrage, sculptures monumentales de Dominique White qui sont autant de reliefs en suspension, et autant de vestiges subaquatiques de l’histoire des diasporas noires. Une exposition monographique tout en ambivalence, entre épave et combustion, entre abysse et nébuleuse, entre mythique et provisoire.

    Si le Panorama n’a pas encore la fonction d’un périscope de sous-marin, il nous offre désormais cette vision. Son espace clair et cubique, Dominique White l’a investi en long, en large et en hauteur, en impulsant à ses matières une vibration tourbillonnante : ses sculptures agrègent les matières pour former des épaves abstraites, spectrales et flottantes, réussissant ce délicat tour de force de transformer l’air en eau, et de nous immerger, sans pour autant que nous ne nécessitions de scaphandre. L’air devenu liquide, il reste en fait bien respirable. Et on inspire aussi parce que les thèmes travaillés par Dominique White relèvent encore trop du domaine du silence : si on dit commerce transatlantique, esclavagisme, XVIIe siècle et naissance du capitalisme, et puis que l’on avance commémoration, résistance, histoire des diasporas, on entend comme une dissonance... White s’inspire notamment de Derek Walcott, qui est aux pensées décoloniales anglophones ce que représentent les travaux d’Édouard Glissant dans la francophonie. Walcott, le poète antillais de Sainte-Lucie, composait Omeros dans les années 90 comme une réécriture de l’Iliade aux Caraïbes, ce qui lui a valu le prix Nobel. À son tour et à raison, Dominique White brûle et brunit de l’acajou, rouille des enferrures, forge des harpons, amalgame des fibres de jonc de mer avec des argiles claires, telles des nœuds d’algues blanchies par le sel que certains récifs exposent au soleil. Ce qui est remarquable, c’est que ses sculptures se reposent en fait davantage sur les creux que sur les pleins : ses formes se mêlent à l’invisible pour lui donner une force de mouvement cyclique, cyclonique, exponentielle. Résidente de Triangle-Astérides et également nouvelle résidente de notre région marseillaise, l’artiste britannique Dominique White travaille le naufrage et son prisme depuis la contre-histoire, depuis l'antériorité, dans des perspectives afro-futuristes qui ne sont en fait, peut-être, pas vraiment optimistes. Sa série précédente, Hydra Decapita, réattribuait la figure mythique de l’hydre aux mille têtes — monstre marin considéré invincible, dont les multiples têtes repoussent inlassablement — au système étatique qui finit par écraser et dominer partout où il est éradiqué ; au contraire de la théorie du même nom des historiens et essayistes Rediker et Linebaugh ((Peter Linebaugh et Marcus Rediker, The Many-Headed Hydra : Sailors, Slaves, Commoners, and the Hidden History of the Revolutionary Atlantic, 2000)), qui pensaient ainsi les forces de résistance inépuisables des marrons, pirates et autres rebelles à l’État. Pour voir le verre (ou le Panorama) à moitié plein, les sculptures monumentales de White pourraient-elles enfin devenir des monuments ?  

Margot Dewavrin

 

Dominique White - Les Cendres du naufrage : jusqu’au 5/06 à la Tour-Panorama de la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).

Rens. : www.trianglefrance.org/fr/

Pour en (sa)voir plus : https://blackdominique.com