Mon ami n'est pas d'ici

Photo : œuvres de Salih Basheer, Hana Gamal, Nada Harib, Lola Khalfa, Seif Kousmate, Sinawi Medine, Malik Nejmi et Abdo Shanan. Commissariat : Bruno Boudjelal. Dans le cadre des Rencontres à l'Échelle

Huit jeunes photographes de la rive Sud de la Méditerranée interrogent le vécu et la présence, permanente ou temporaire, des personnes originaires d’Afrique Subsaharienne. À travers leurs regards, une plongée dans la vie de l’Autre, entre visibilité et invisibilité, et une réflexion sur des sociétés au croisement de cultures multiples et métissées.

Salih Basheer — Soudan
Hana Gamal — Égypte
Nada Harib — Libye
Lola Khalfa — Algérie
Seif Kousmate — Maroc
Sinawi Medine — Érythrée
Malik Nejmi — France
Abdo Shanan — Algérie
Commissariat Bruno Boudjelal

Une exposition produite par l’IMA Tourcoing et l’Institut de la Photographie

 

« Cette exposition, à travers les regards de huit photographes originaires d’Afrique du Nord ou y vivant, nous amène à nous intéresser à cette question de l’autre, celui qui n’est pas du pays, qui ne parle pas la même langue, qui n’a pas la même couleur de peau… Ils nous parlent de la présence, dans ces pays d’Afrique souvent dite « blanche », de l’Afrique dite « noire ». Bien sûr, cette présence n’est pas récente. Cela fait des siècles qu’elle existe et que les échanges sont multiples et divers, commerciaux, migratoires, conflictuels…

Que ce soit pour nous parler d’une présence inscrite dans le long temps de l’histoire, ou dans le temps présent, réunir ces travaux photographiques n’a pas été aisé. Tout d’abord, à ma connaissance, peu de photographes d’Afrique du Nord travaillent sur ces thématiques. Alors qu’une telle exposition nécessite un travail sur le terrain, pour aller chercher et faire des rencontres directement sur les lieux concernés, cela a été rendu impossible par les contraintes sanitaires liées à la pandémie, et les conflits armés comme en Lybie. Heureusement, les ateliers effectués ces dernières années à Alger, à Alexandrie, ou encore ma participation à un jury pour l’AFAC (Arab Fund for Art and Culture) à Beyrouth m’ont été d’un grand apport pour identifier des photographes et leur faire proposition de participer à cette exposition.

Tous, à travers leur travail, ont décidé d’aller à la rencontre de celui qui n’est pas d’ici, celui que l’on ne voit pas, celui à qui l’on ne parle pas, pour témoigner de sa vie. Ils nous disent ainsi qui est cet autre, ce qu’il ressent et les raisons de sa présence à cet endroit. Qu’il soit un migrant en attente d’une possibilité de passage en Europe ou encore un migrant qui, devant l’impossibilité de continuer son voyage, a décidé de tenter de s’installer là où il est, qu’il soit venu étudier ou chercher du travail, les raisons sont multiples et bien plus diverses que ce que l’on peut imaginer.

Tous ces travaux sont des tentatives de nous faire connaître qui sont ces étrangers auxquels on ne prête aucune attention et qui, pourtant, sont des hommes et des femmes remplis d’humanité et de rêves. Ces histoires viennent questionner ce que nous tous pouvons souvent ressentir envers l’autre, notre indifférence à la différence. »

— Bruno Boudjelal

 

https://www.lesrencontresalechelle.com/


Tour-Panorama / Friche La Belle de Mai
Jusqu'au 13/02 - Mer-ven 14h-19h + sam-dim 13h-19h
0/3/5 €
www.lafriche.org
41 rue Jobin
Friche La Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le mercredi 15 dcembre 2021 dans Ventilo n° 456

Mon ami n’est pas d’ici à la Tour-Panorama de la Friche La Belle de Mai

Hommages collatéraux

 

Dans un dispositif laissant une belle place à la mise en scène, la Tour-Panorama de la Friche abrite Mon ami n’est pas d’ici, une exposition réunissant huit jeunes (pour la plupart) photographes africains dans le cadre des Rencontres à l’Échelle.

    Chaque artiste développe son propre sujet dans une scénographie personnalisée, à la frontière entre la proposition artistique et le photojournalisme, avec en fil rouge le sort d’hommes et de femmes déraciné.e.s. Les séries de l’exposition nous emmènent en Libye, en Mauritanie, en Algérie, au Maroc ou en Égypte, nous racontant des histoires à la fois singulières et malheureusement répandues. Il y a toujours eu des migrations mais durant les deux dernières décennies, le mouvement s’est amplifié en provenance d’Afrique, et ces épopées sont de plus en plus documentées. Si nous sommes devenus familiers des témoignages de migrants à leur arrivée en Europe ou durant une traversée, l’exposition nous propose de les suivre dans leurs pérégrinations africaines, parfois longues, voire sédentarisées : des Soudanais en Égypte, un Zimbabwéen en Algérie, des Congolais au Maroc... Ces séries donnent la parole à des hommes et des femmes en transit, et nous permettent de toujours mieux appréhender ce désir migratoire même s’il nécessite de mettre sa vie en danger. La fierté dans les regards, les blessures, qu’elles soient physiques ou psychologiques, et le sens collectif issu des communautés se retrouvant à l’étranger nous marquent et nous émeuvent. Il est très difficile de démarquer les expositions les unes des autres, mais prenez particulièrement le temps d’apprécier la série de Nada Harib à Tripoli, dont la scénographie nous transporte dans le quotidien de migrants, celle de Seif Kousmate mettant en lumière le sort d’esclaves des temps modernes qui acceptent ou refusent leur sort, ou encore celle de Lola Khalfa qui propose une œuvre bouleversante à partir d’un fait divers survenu dans son université algérienne. Il est rare de donner autant d’espaces à de jeunes photographes africains, alors saluons l’initiative du commissaire Bruno Boudjelal et des Bancs Publics, et apprécions cette authentique découverte !  

Romain Maffi

   

Mon ami n’est pas d’ici : jusqu’au 13/02/2022 à la Tour-Panorama de la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e). Rens. : www.lafriche.org