Europa, Oxalá

Travaux de 21 artistes et intellectuels européens dont les origines familiales se situent dans les anciennes colonies (peintures, dessins, sculptures, films, photos, installations) : Aimé Mpane, Aimé Ntakiyica, Carlos Bunga, Délio Jasse, Djamel Kokene-Dorléans, Fayçal Baghriche, Francisco Vidal, John K. Cobra, Katia Kameli, Mohamed Bourouissa, Josèfa Ntjam, Malala Andrialavidrazana, Márcio de Carvalho, Mónica de Miranda, Nú Barreto, Pauliana Valente Pimentel, Pedro A. H. Paixão, Sabrina Belouaar, Sammy Baloji, Sandra Mujinga, Sara Sadik

L’exposition Europa, Oxalá présente les travaux de vingt-et-un artistes et intellectuels européens dont les origines familiales se situent dans les anciennes colonies. Ces « enfants d’empires », nés et élevés dans un contexte postcolonial, proposent une réflexion sur leur héritage, leur mémoire et leur identité.
 
Leurs parents et grands-parents sont nés et ont vécu au Congo, en Angola, en Guinée, au Bénin, en Algérie, à Madagascar ; et ces artistes ont hérité non seulement des voix, des sons et des gestes, mais aussi des images et des souvenirs de leurs cultures d’origine, point de départ d’un important travail de recherche dans les archives historiques. De ce fait, leurs productions artistiques nourrissent une réflexion originale sur le racisme, la décolonisation des arts, ou encore la déconstruction de la pensée coloniale. La façon dont certains d’entre eux conjuguent langages contemporains et processus traditionnels constitue un apport essentiel pour l’Europe contemporaine. Le caractère novateur et transnational des travaux de ces artistes « post-mémoire » a d’ailleurs profondément marqué la scène artistique et culturelle ces deux dernières décennies.

L’exposition Europa, Oxalá présente environ soixante œuvres (peintures, dessins, sculptures, films, photos, installations) de vingt-et-un artistes : Aimé Mpane, Aimé Ntakiyica, Carlos Bunga, Délio Jasse, Djamel Kokene-Dorléans, Fayçal Baghriche, Francisco Vidal, John K. Cobra, Katia Kameli, Mohamed Bourouissa, Josèfa Ntjam, Malala Andrialavidrazana, Márcio de Carvalho, Mónica de Miranda, Nú Barreto, Pauliana Valente Pimentel, Pedro A. H. Paixão, Sabrina Belouaar, Sammy Baloji, Sandra Mujinga, Sara Sadik.

À travers leurs travaux, Europa, Oxalá témoigne de la puissance créatrice de la diversité culturelle européenne contemporaine, ouvrant de nouvelles perspectives à la notion d’Europe.
 

 

— Commissaires : António Pinto Ribeiro, commissaire, université de Coimbra, Katia Kameli, artiste et commissaire, Aimé Mpane Enkobo, artiste et commissaire
— Scénographe : Joris Lipsch, Studio Matters
— Coproduction :
Fondation Calouste Gulbenkian – Délégation en France
Mucem - Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Marseille / France)
Musée royal de l’Afrique centrale / AfricaMUSEUM (Tervuren / Belgique)
Centre d’études sociales de l’université de Coimbra (CES) à travers son projet européen (ERC) MEMOIRS – Enfants d’empires et post-mémoires européennes (Coimbra / Portugal)
— Itinérance :
Fondation Calouste Gulbenkian (Lisbonne) : du 3 mars au 30 mai 2022
Musée royal de l’Afrique centrale / AfricaMUSEUM (Tervuren / Belgique) : du 6 octobre 2022 au 5 mars 2023


Mucem - Fort Saint Jean
Jusqu'au 16/01 - Tlj (sf mar) 10h-18h
7,50/11 € (billet famille : 18 €). Gratuit le 1er dimanche de chaque mois
www.mucem.org
7 promenade Robert Laffont - Esplanade du J4
13002 Marseille
04 84 35 13 13

Article paru le mercredi 10 novembre 2021 dans Ventilo n° 454

Europa, Oxalá au Mucem

Colonies vertébrales

 

À l’heure où le prix Goncourt vient de primer pour la première fois un auteur africain, l’exposition Europa, Oxalá au Mucem met en avant le travail d’artistes européens originaires d’Afrique qui, tout en questionnant l’influence de la colonisation, brosse un portrait de la diversité culturelle aujourd’hui, tout en ouvrant des perspectives sur l’avenir du Vieux Continent.

    Initiée par le Mucem, l’AfricaMuseum de Tervuren en Belgique, la Fondation Gulbenkian à Lisbonne et l’Université de Coimbra au Portugal, l’exposition Europa, Oxalá se propose à la fois de dresser un bilan du passé colonial tout en se projetant vers l’avenir pour imaginer ce que cette diversité culturelle peut apporter à l’Europe. Et quoi de mieux pour interroger ces perspectives transversales à la fois historiques, sociales, culturelles et prospectives que la création artistique ? Les commissaires d’expositions, l’universitaire portugais António Pinto Ribeiro et les artistes Katia Kameli et Aimé Mpane Enkobo, ont ainsi réuni vingt-et-un artistes européens vivant dans ces trois pays au long passé colonial que sont la France, la Belgique et le Portugal, et dont les origines sont ancrées dans ces mêmes colonies, pour proposer des œuvres qui interrogent le rapport à leurs origines mais aussi leur sentiment vis-à-vis de la citoyenneté européenne. Une des originalités de l’exposition consiste à proposer un spectre géographique assez large. Si elle se cantonne aux relations africano-européennes, on est agréablement surpris d’y trouver, en plus des colonies francophones, de l’Algérie à Madagascar, en passant par le Congo, des artistes issus des colonies lusophones, comme la Guinée-Bissau ou l’Angola. Dans un souci de transdisciplinarité, l’exposition balaie la plupart des médiums de l’art actuel : des installations, comme celle de Sammy Baloji (Congo), avec ses douilles d’obus gravés par des poilus de la Guerre de 14 reconvertis en pots pour plantes exotiques, instaurant un va-et-vient entre culture européenne et africaine ; de la photographie avec le travail de Mónica de Miranda (Angola) et sa série Black Tales ; de la peinture et du dessin, comme les travaux de Nú Barreto (Guinée-Bissau), dont l’accrochage Traços diários 3 (2020) présente 42 dessins sur carton kraft qui mettent en scène des personnages toujours en mouvement, comme pour éviter de tomber ; ou encore de la sculpture avec Fayçal Baghriche (Algérie), qui a reconstitué la main en bronze manquante à la statue du Cardinal Lavigerie, fondateur des célèbre mission des Pères blancs ; sans oublier la vidéo, avec les deux étonnantes anticipations de Sara Sadik et Josèfa Ntjam. On retiendra également les travaux de Délio Jasse qui, avec les cyanotypes de sa ville natale de Luanda, est l’un des seuls à interroger directement la problématique économique, l’Angola ayant vécu un boum économique dû à l’exploitation des hydrocarbures qui se stoppa net en 2014 avec une énième crise pétrolière. Mais aussi les deux magnifiques dessins d’un rouge violacé de Pedro A. H. Paixão, un descendant de métis angolais : l’étrange portrait de son arrière-grand-mère, mais aussi son énigmatique autoportrait. Toutes ces œuvres dressent également un panorama d’une certaine création artistique qu’elle contribue à renouveler par ses thématiques — le passé colonial et la diversité culturelle — et ses créateurs (de par leurs origines). Même si c’est l’imagerie coloniale que les artistes mettent en scène, on peut regretter que seul le titre de l’exposition traite l’héritage de la langue coloniale. En effet, le terme portugais Oxalá, issu de l’arabe Insh’ Allah (« Si Dieu le veut »), qui comporte plusieurs sens, tous liés au désir d’un futur où d’un événement positif, comme le rappellent les commissaires de l’exposition, représente une belle inversion des influences (ici de l’arabe vers le portugais), l’immigration et l’interpénétration culturelle étant bel et bien un phénomène cyclique qui, si elles sont assumées, peuvent être un bienfait pour tous. Une leçon pour ceux qui n’auraient pas encore compris que le métissage ne peut être qu’enrichissant, biologiquement comme culturellement… Une forme de retournement des figures que l’on retrouve littéralement dans l’intéressante série de dessins Falling thrones de Márcio de Carvalho, qui fait s’affronter, sous la forme d’athlètes des J.O., une figure de la décolonisation (comme Patrice Lumumba) et une statue de grand colonisateur (le roi portugais João Ier ou le belge Léopold II). Un beau catalogue et un recueil foisonnant d’essais prolongent cette exposition riche en réflexions sur la colonisation et un art en perpétuelle mutation. Et pendant que vous êtes au Mucem, profitez-en pour visiter l’exposition consacrée au Salammbô de Flaubert, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de l’écrivain, qui, en traitant de l’imagerie exotique de la Carthage antique et quelque part pré-coloniale, offre un écho particulier à la vision des artistes présentés au sein d’Europa, Oxalá.  

JP Soares

 

Europa, Oxalá : jusqu’au 16/01/2022 au Mucem (Esplanade du J4, 2e).

Rens. : www.mucem.org