Fabrice Ney - ZUP N°1

Photos

Fabrice Ney est photographe-auteur. Ses premiers travaux datent de la fin des années soixante-dix. Alors étudiant à l’EHESS, il photographie les mutations en cours de l’environnement urbain : Fos-sur-Mer, La Seyne-sur- Mer et ZUP n°1 à Marseille. En 1989, il crée, à Marseille, l’association SITe, porteuse de plusieurs propositions photographiques innovantes autour du paysage en collaboration avec des scientifiques et des plasticiens. Il mène une étude des vestiges du début de l’industrie chimique dans les Bouches-du-Rhône (Soude, 1990-93) et en collaboration avec un compositeur, il propose une installation sur le thème des paysages de La Durance (Résurgence, 1994). Ses photographies font partie, parmi les plus anciennes, du fonds photographique en constitution sur le département. Ils ont formé une part importante de l’achat collectif auprès de SITe par les Archives Départementales 13 en 2014.

De 1981 à1983, Fabrice Ney, alors doctorant à l’EHESS, a photographié le cœur des cités en contre-bas du centre urbain du Merlan, dans les quartiers nord de Marseille. En 2019, ces images photographiques surprennent par la rigueur de leur propos. L’absence de personnages et son attention portée aux détails de l’environnement urbain révèlent avec insistance un état des relations sociales toujours d’actualité.


La Ville Blanche
Mer-sam 14h-19h
Entrée libre
www.laphotographie-marseille.com
55 rue Flégier
13001 Marseille
04 96 21 22 27

Article paru le mercredi 27 novembre 2019 dans Ventilo n° 438

Fabrice Ney - ZUP n°1 à la Ville Blanche

Art brut

 

Dans le cadre du festival Photo Marseille, Fabrice Ney sort des archives son travail photographique sur les cités en contrebas du centre urbain du Merlan. Difficile sélection parmi plus de mille clichés qui cartographient les grands ensembles du début des années 80. Un travail documentaire qui n’est pas sans taire la beauté plastique de ce que l’on appelle maintenant le hard french.

  À la fin des années 70, Fabrice Ney finalise son mémoire en sciences sociales sur le thème Fos-sur-Mer : Regard sur un quotidien localisé. De ses prises de vues, de sa cartographie qui détaille « la topographie urbaine et domestique de la ville », comme le dira Jordi Ballesta, il tire une méthode proche des fondements de la photographie documentaire édictés par Jenkins, Deal, Nixon et Baltz à New York dans les années 70. À l’œuvre de 1981 à 1983, il parcourt ce que l’on nomme administrativement la ZUP n°1, soit les cités de la Busserine, Saint Barthélémy et Picon. Patiemment, à la levée du jour, dans ces lieux de vie encore déserts, il photographie inlassablement les portes des immeubles de la Busserine et Saint Barthélémy. Même cadrage, même focale, la répétition fait partie du process. Il s’ensuit un travail de recoupement, localisation et classement informatique. Où sont regroupées les portes de tel style ? Quelles sont celles qui ont le plus de dommages ? Peut-on prévoir la durée de vie, les usages ? Autant de questions (non exhaustives) que le jeune doctorant à l’EHESS sous-tend lorsqu’il croise les usages de la photographie et de l’informatique. Dans ZUP n°1, il laisse voir également son travail préparatoire, fruit de ses déambulations. Toujours en plans serrés, il parcourt les cités et s’attache déjà aux détails : graffitis, escaliers, passages. Cette fois, les cadrages diffèrent, et une certaine esthétique surgit : lignes de fuites, combinaisons. La beauté structurelle de l’alignement et du décroché, de l’animation des façades : linge, ombre, lumière. Pas un passant dans ces coursives et passages, et pourtant, des témoignages de vie, d’usage. En guise d’anecdotes, on notera ce graffiti "Vive l’Iran ?" où le mot « Iran » est barré au profit de « le rock’n’roll », et, déjà, un « La police assassin » à côté d’une Citroën CX garée devant un mur en béton texturé. Immanquablement, il se dégage un aspect sociologique, qui fait d’autant plus sens que quarante ans après, on peut mesurer les effets des diverses politiques de la ville et penser qu’à part les modèles de voitures, pas grand-chose semble avoir évolué.  

Damien Boeuf

 

Fabrice Ney - ZUP n°1 : jusqu’au 14/12 à la Ville Blanche (55 rue Flégier, 1er).

Rens. : www.laphotographie-marseille.com