Hommage aux danses urbaines de Côte-d'Ivoire par la Cie Gintersdorfer (1h15). Conception et mise en scène : MonikaGintersdorfer et Franck Edmond Yao alias Gadoukou La Star
Le N’dombolo découle de la Rumba congolaise et du Soukous. Objectif : faire danser dans une forte ambiance, durant laquelle intervient un animateur, à la fois chanteur, joueur de hochets et danseur. Virage au début des années 2000 : le N’dombolo se mue en Coupé-décalé, un mouvement issu de la diaspora ivoirienne en France avant d’imprégner la Côte d’Ivoire puis l’Afrique toute entière. Les années Jet Set : les jeunes Ivoiriens de Paris et de ses périphéries affichent des looks flamboyants, des bijoux clinquants et cherchent à en mettre plein les yeux.
Années 2010 : années explosives. L’Afrotrap débarque. Il fusionne l’Afrobeat de Fela Kuti et la Trap, un son né du Rap du Sud des États-Unis. Dernière pirouette en date : l’Afropop, qui panache tous les courants de musiques Pop américaines et africaines, et renoue à sa façon avec les rythmes traditionnels, l’Afrobeat, le Hip-Hop et l’Électro, avec des touches de Rumba congolaise et de Coupé-décalé ivoirien.
Et la boucle est bouclée, ne reste plus qu’à danser.
Après la création à Aubervilliers de cet hommage à une culture musicale et à des danses urbaines qui embrasent les nuits parisiennes comme celles d’Abidjan, le duo d’artistes issus du collectif La Fleur débarque à Marseille. Et invite des jeunes danseurs du territoire à partager le plateau avec les populaires Alaingo, Annick Choco, Misha, Ordinateur. Les liens qui existent entre le pays d’origine et la vie ici, c’est la voix d’une jeune génération qui nous les restitue.
Friche La Belle de Mai, Grand Plateau Les 22 et 23 nov. : jeu 20h - ven 20h30 10/15 €. Pass soirée (avec Tania El Koury) : 15/20 € www.lesrencontresalechelle.com
41 rue Jobin Friche de la Belle de Mai 13003 Marseille 04 95 04 95 04
Article paru le mercredi 31 octobre 2018 dans Ventilo n° 417
Les Rencontres à l’Échelle 2018
Ouvrez les Bancs
Vingt ans, un bel âge, n’est ce pas ? Il y a quelques semaines, c’était un anniversaire bien festif dont nous ont gratifié les Bancs Publics sur le toit-terrasse de la Friche. La semaine prochaine, comme un sirocco dans la nuit de novembre, débute le principal temps fort de ces Rencontres qui ont changé d’échelle. Tour d’horizon et perspectives.
Que de chemin parcouru depuis 2007 et l’ancienne salle de boxe des bas-fonds de la Belle de Mai, quand naquit la première édition des Rencontres à l’Échelle… On y proposait alors quelques pépites de la création contemporaine du Maghreb ou du Moyen-Orient, le plus souvent en petit format, proportionnellement à la taille des locaux et des budgets.
Depuis deux ans, grâce à une confiance patiemment tissée entre les partenaires et à la formidable énergie de la petite équipe des Bancs Publics, les formes cheap ont cédé la place à des créations plus grand format, le plus souvent proposées à la Friche (où la structure est devenue résidente), mais aussi dans la ville : Rome ne s’est pas faite en un jour, la Tour de Babel non plus ! Car qu’on ne s’y méprenne pas : les créations présentées ici ne choisissent pas leur identité culturelle pour seul argument, et si le festival a historiquement voulu se concentrer sur la création contemporaine au Maghreb ou au Moyen-Orient, force est de constater que l’origine géographique n’a plus l’exclusivité de la raison d’être de cette édition — si tant est qu’elle l’ait eu vraiment une fois. Et pour cause. Les printemps arabes ont bien eu lieu mais sont déjà loin, les attentats terroristes islamistes perpétrés sur le sol européen et les mouvements migratoires de masse que nous connaissons bien par les médias et par toutes les passions qu’ils déchaînent ne nous font plus découvrir, éberlués, qu’un autre monde existe au lointain : nous l’avons déjà incorporé à notre quotidien et à notre imaginaire d’Européens. Les idées et les hommes ont bien chacun un port d’attache mais circulent — plus ou moins librement, on vous l’accorde… Alors ici, dans cette ville-monde qu’est Marseille, n’est-il particulièrement bienvenu de proposer une édition qui touche du doigt et rassemble dans sa main des artistes maliens, ivoiriens, allemands, grecs, égyptiens, algériens, et même français ? Dans cette ville où nous habitons, où nous croyons tous (un peu mieux) savoir ce que signifie les communautés au pluriel, parce qu’elles y seraient visibles et colorées, que savons-nous finalement des gens que l’on croise dans une rue sans pour autant dire bonjour, que savons-nous des réalités de chacun de leurs membres ? Que sait-on du quotidien et des rêves de chacun, de comment pense l’autre, quand nous sommes emportés dans le tourbillon d’une masse d’informations qui nous noie et nous rend le regard flou — ou bêtement fixé sur l’écran de nos réseaux sociaux ?
Alors, pendant cette édition, les langues vont se délier. Des langues qui ne cherchent pas la francophonie ni la monogamie dominante. Des langues qui sont autant de langues qu’il y a d’acteurs sur le plateau. Et si les mots ne seront pas vraiment politiques et que ce ne sont guère des analyses qui nous seront proposées, ce seront des prises de parole, des points de vue, sur la famille, sur la sexualité, sur ce qui fait presque la réalité et le quotidien de tout un chacun sur cette planète et qui se dit être humain. Sauf que voilà, quand on parle, on parle toujours depuis son expérience. Et ces artistes-là ne font pas qu’en gloser. Ils vont nous donner à voir, avec humilité, talent et créativité, tout ce qui fait un petit bout de leur vie rêvée, de leurs fantasmes autant que de leurs réalités. Aux marges du théâtre documentaire ou en dansant un bon coupé-decalé version afro-pop, vous irez votre chemin, et on vous souhaite vraiment une bonne route. N’ayez surtout pas peur, vous allez y rencontrer du monde, des mondes… et faire le vôtre.
Joanna Selvidès
Les Rencontres à l’Échelle : du 7/11 au 1/12 à Marseille.