Les Arpenteurs

Balade théâtrale dans l'espace public par la Cie Home Théâtre / Association Rio. Conception-réalisation et jeu : Marie Arnaud Sanchez, Jeanne Dubos, Julien Bucci

Interroger le matériel, le bâti, le “touchable”, ce qui nous entoure de façon immédiate. Les imaginaires de chacun se conjuguent pour tramer une fiction collective et inventer de nouvelles manières d’habiter l’espace et de le partager.

« Notre "monde" a développé durablement son délitement. Comme la terre, il s’assèche ou se noie, se fragmente, s’il n’accueille pas la diversité et la complexité. Nous ne pouvons plus (sur)produire, comme avant, des spectacles. Nous ne pouvons plus faire comme si c’était encore possible. Laissons la terre se reposer. Et produisons plutôt du sens commun.
Interrogeons de nouvelles formes de collectivités qui pourraient, ça et là, éclore. Nous pourrions être, artistes, des facilitateurs, permaculteurs. Plutôt que des montreurs de sens et des montreurs d’égos. Nous pourrions mettre en relation ce qui est coupé, délié, clos, distancé, étouffé.

Ces derniers mois, au fil de confinements successifs aux contours multiformes, l’impensable est devenu possible. L’impensable, d’ailleurs, est advenu. Subitement relégués dans nos espaces privés, enclos dans des murs-cocons autant que murs-prisons, nous avons assisté sidérés à l’éclipse de l’espace public.
A travers les écrans, des images nous parvenaient de lointains dehors, nous montraient un monde vide, sans nous : décors sans spectateur, théâtre sans acteur. Les espaces publics proscrits, du moins réglementés, temps et distance contrôlés, n’étaient plus que corridors, espaces transitoires, parfaite ligne droite entre chez soi et tout commerce estampillé « de première nécessité ». L’espace public a été reporté à un hypothétique monde d’après. Les débats privés de leur lieu d’existence même, l’espace public, sont devenus sans objet.
(…)
La distanciation physique a été décrétée, mesurée précisément par des textes de loi (1 mètre, puis 2 mètres). Le glissement de ce mot « distanciation » dans sa connotation matérielle et dans le champ législatif, nous interpelle. D’abord parce que ce mot nous rappelle à Brecht, qui construit la distanciation comme principe théâtral actif pour une
indispensable prise de distance par rapport à la réalité. Ensuite, parce que la distanciation est une des caractéristiques fondamentales voire une des conditions de l’espace public. (…) Nous parions ainsi que l’altérité, de même que la critique, n’existent que dans la distanciation, une distance-proximité, un mouvement loin-proche, essence même de l’espace public pour peu qu’elles soit éprouvées non comme limite matérielle mais comme actualisation permanente, processus, aller-vers.

Arpenter, c’est à la fois mesurer une superficie terrestre et la parcourir à grand pas. Ici encore, rapt sémantique, combien de mesures ont été prises – pour nous mais sans nous – depuis ces derniers mois ?

Notre propos est ainsi avant tout poétique : réouvrir des champs sémantiques, créer des chemins. C’est le chemin, le cheminement commun, qui fera acte de création. A rebours du processus habituel basé sur une finalité ou une restitution finale, ce projet est un work in progress où la création n’est jamais finalisée. Elle s’enrichit au fur et à mesure des interventions, s’écrit en permanence, se densifie avec le temps. Elle s’ancre dans les regards, les perceptions, les relations. »

 

Centre-ville d'Aubagne
Le samedi 2 octobre 2021 à 15h
Gratuit (plein air)
Rens. 04 42 70 48 38 - la.distillerie13@free.fr
https://ladistillerieaubagne.fr/2021/08/09/du-10-sept-au-17-oct-2021-place-aux-compagnies/
13400 Aubagne

Article paru le mercredi 28 septembre 2022 dans Ventilo n° 469

Place aux Compagnies

Arts dits stylés

 

Septième édition pour Places aux compagnies, manifestation initiée par la Distillerie à Aubagne, à la fois lieu de résidence et laboratoire artistique, qui entend mettre en lumière une étape de travail d’artistes régionaux du spectacle vivant.

    Christophe Chave, le directeur artistique de la Distillerie, outil incontournable du spectacle vivant à Aubagne, a conçu cet événement comme « un champ ouvert à la création, l’essai, la recherche, le droit de se planter, de ne pas être d’accord, d’être agité par des incertitudes mais en étant mû par le désir d’aller au bout de quelque chose. »   Soutien, solidarité et persévérance sont les maîtres-mots d’une manifestation qui propose un accompagnement financier, logistique et technique pour promouvoir le geste artistique loin de tout élitisme. Résultat d’un dialogue permanent entre les structures culturelles de la ville d’Aubagne, cet événement ambitieux ouvre aussi des perspectives aux créations puisqu’il invite les programmateurs de lieux culturels ainsi que les représentants des institutions à leur donner un prolongement. Espérons que ceux-ci seront nombreux cette année à s’intéresser aux artistes sélectionnés. Place aux Compagnies permet aux compagnies émergentes et professionnelles une restitution publique du travail effectué durant quelques jours de résidence à la Distillerie. À l’issue des représentations, qui sont toutes en accès libre et gratuit, il y a toujours un temps de parole partagé et convivial, autour d’un verre. Moment précieux et constructif pour les artistes qui sont mis en question sans jugement et avec bienveillance. Cette année encore, artistes confirmés et débutants se partagent l’affiche avec tout d’abord, une première sortie de résidence très réussie pour la compagnie La Barak le 24 septembre avec Vosraces, mis en scène par Romain Ruiz, ambitieux portrait de la jeunesse d’aujourd’hui entre radicalisation et poésie, intelligemment calqué sur la dramaturgie des Démons de Dostoïevski. Le samedi 1er à 19h, la compagnie Lesgensdenface nous emmènera avec Si on s’amuse pas, on crève ! dans les rêveries de l’autrice Delphine Dieu autour du personnage de Columbo — pourfendeur des assassins millionnaires — et de son interprète Peter Falk, artiste bien moins connu. Mis en scène par Christophe Chave au format d’un épisode de série, le spectacle propose une écriture scénique polymorphe, terrain de jeu pour les acteurs, organisant la rencontre jubilatoire entre les plateaux télé américains des années 70, l’univers cinématographique de Cassavetes et la scène du théâtre. Le samedi suivant à la Distillerie, deux solos chorégraphiques : à 19h, la compagnie Opus Time présente Mur/mur(es), une contemplation poétique abstraite des strates que l’humanité engendre avec un travail plastique fait en direct sur le plateau par Jean-Marc Fillet ; et à 21h, la compagnie Phase propose Sophia, où Sophie Boursier, en duo avec un musicien, questionne les fondements premiers du terme « féminité » au sein du monde contemporain en perpétuelle mutation. Une ode à la femme instinctive et moderne. Samedi 15 à 19h au Théâtre Comœdia, une présentation de création : Rouge lie de vin par la compagnie La Variante, texte et mise en scène de Valérie Hernandez. Le spectacle se propose de tendre un fil entre fiction et réalité, une approche sensible mais sans concession de cette violence qui impacte trop de couples, dans le silence embarrassé de l’entourage. Puis à 21h, retour à la Distillerie où le Théâtre de Ajmer présentera Ici les pénombres - Une cartographie du siècle des lumières, à partir d’archives, mis en scène par Franck Dimech qui parle ainsi de son travail : « Ce projet est fait de traces, pas n’importe lesquelles : des pénombres anonymes au siècle des Lumières. En les inventorisant, en les dépliant, en les mettant côte à côte, sans doute cherchons-nous à retrouver quelques bouts de nous-même, quelques reflets de vérité, la possibilité d’un discernement dans l’obscurité de notre propre siècle. » Conçu comme un inventaire expérimental, cette collection de paroles éparses fait revivre anonymes et élites emperruquées du XVIIIe siècle. Le spectacle sera créé à l’automne 2023 au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence. Le 22 à 16h à la Distillerie, ce sera au tour de la compagnie Les Mille Tours de présenter Kids, un jeune public musical et clownesque mis en scène par Anouck Couvrat, satire drôle et non conformiste cherchant à dédramatiser par l’humour les situations familiales du quotidien parfois tendues, à mettre un grand coup de pied dans l’ordre établi de l’éducation. À 19h dans l’espace public, la compagnie Théâtre M jouera Un Macbeth déridé, tourné vers l’humour, accessible à tous, de 7 à 78 ans. Un pari audacieux d’Ivan Bougnoux avec du mime, de la musique et du bruitage rappelant que la tragédie a deux têtes : le drame bien sûr, mais aussi la comédie. À 21h, toujours dans l’espace public, à deux pas de la Distillerie, la compagnie Soleil Vert présentera L’Extraordinaire n’aura pas lieu, projet d’Anne Naudon et Laurent de Richemond. C’est un spectacle destiné à investir et à faire vivre théâtralement un lieu d’habitation au travers de ses fenêtres, faire exister l’intérieur d’une « maison », pour un public observant les choses et écoutant les textes depuis l’extérieur du bâtiment (sur la place du village, dans la rue, depuis le jardin…). Cette proposition poétique et philosophique, sur des textes d’Eugène Savitzkaya, célèbre ces objets et ces gestes quotidiens essentiels qui définissent un état d’être au monde nous ramenant à une dimension où, finalement, l’extraordinaire est partout. Deux lectures théâtrales sont également programmées : Espléndido par la compagnie De la Loge au Plateau le jeudi 29 septembre à 19h à la Distillerie, un conte traversé par la question de l’identité de genre et de la discrimination écrit et mis en lecture par Geoffrey Coppini ; et le jeudi 6 octobre à 20h au Cercle de l’Harmonie Crache ! par la compagnie Rhizome, un texte écrit et lu par Valérie Paüs, créole d’origine réunionnaise, à propos de sa difficulté à habiter pleinement sa langue maternelle, étouffée, dévorée par l’usage du français.  

Olivier Puech

   

Place aux Compagnies : jusqu’au 22/10 à Aubagne.

Rens. : https://ladistillerieaubagne.fr/2022/08/09/du-9-sept-au-22-oct-place-aux-compagnies-2022/

Le programme complet de Place aux Compagnies ici