Dragging The Bone de Miet Warlop

ActOral 14 à Marseille

Potentiel intact

 

Après une édition 2013 particulièrement réussie, le festival ActOral attaque sa quatorzième édition avec le désir de prolonger l’engouement d’un public toujours plus acquis et de pérenniser les liens artistiques avec des auteurs qui aiment revenir.

 

Malgré un budget en baisse, Hubert Colas a tenu ses engagements en élaborant une programmation dense : cinquante-neuf projets et quatre-vingt-une représentations où la danse se mêle à la lecture, à la performance, au stand up, au cinéma… On le voit bien, ActOral est plus que jamais le festival des écritures multiples. Le corps reprend de sa superbe en traversant l’écran pour mieux se positionner à l’avant-scène et nous laisser entendre la respiration d’une petite chose fragile. Les mots jouent le jeu du synopsis puis se barrent dans une ronde enchantée où l’ordre établi n’a plus lieu d’être. ActOral est le festival de l’abolition des normes, là où l’artiste coupe la branche sur laquelle il est assis. Définir une esthétique du XXIe siècle est un choix hasardeux. Il vaut mieux éclater les formes, parce qu’elles nous disent ce qu’il y a au fond des choses. Le théâtre se réinvente au regard de l’actualité, il y est question de politique et de la percée du Front national (Stand up de Nathalie Quintane), de frénésie de la consommation (Super Premium Soft Double Vanilla Rich de Toshiki Okada), de rapport à l’argent (Le No Show d’Alexandre Fecteau), dans un monde qui s’emballe à la vitesse du haut débit. Et soudain, décoiffé par cette vitesse qui le dépasse, l’homme s’autorise une lecture, un moment de calme où, entouré de son public, il peut dire « je ». L’homme seul porte un nom, il assied une identité, il se situe sur la carte du monde, il interpelle la mémoire et demande à ce que l’on pense à lui, ses exigences et ses envies, son désir d’être.

Karim Grandi-Baupain

ActOral : du 24/09 au 11/10 à Marseille. Rens. www.actoral.org

La programmation jour par jour du festival ActOral ici

 


 

Les immanquables du festival

 

Toshiki Okada / Chelfitsch Theater Company
Super Premium Soft Double Vanilla Rich

Entre naturalisme et abstraction, Toshiki Okada nous livre sa vision de la société consumériste japonaise, en explorant l’étrange manège des magasins ouverts 24h/24 à la sortie des métros de Tokyo. Jean-Sébastien Bach sert de bande-son à cette chorégraphie décalée des gestes du quotidien, entre danse et théâtre. Le tout avec humour. Noir.

> Les 26 & 27/09 au Ballet National de Marseille (20 boulevard Gabès, 8e)

 

Volmir Cordeiro
Inês

Après une prestation très remarquée dans son premier solo Ciel durant le Festival Parallèle cet hiver, Volmir Cordeiro revient à Marseille en poursuivant son travail sur la marginalité. Suite à une rencontre fulgurante avec Inês, une guérisseuse qui l’a fasciné, le danseur a décidé d’incarner son corps, de l’absorber pour en faire une question et partager cette rencontre avec le public. Gageons que sa présence envoûtante saura à nouveau nous emmener vers un ailleurs étrange et magnétique.

> Les 26 & 27/09 à Montévidéo (3 impasse Montévidéo, 6e)

 

Jacob Wren, Caroline Dubois et Claudia Fancello
Le Dj qui donnait trop d’information

Un tourne-disque, des vinyles et pour chacun un instant de vie associé. La musique escorte nos existences sociales, privées et quotidiennes, mais jusqu’où influence-t-elle notre conception du monde ? Cette question sera posée à l’occasion d’une longue soirée ouverte aux va-et-vient du public. Suivra le lendemain une listening party, où les spectateurs seront invités à partager leurs morceaux fétiches et la petite histoire qui les accompagne.

> Le 3/10 à la Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e)

 

Miet Warlop
Dragging the bone

Cette artiste belge très inspirée avait bluffé les Marseillais lors de la précédente édition d’ActOral avec Mistery Magnet. Son théâtre — où arts plastiques et visuels fusionnent dans un joyeux chaos — est celui de la métamorphose des corps et des objets. Il revient au spectateur d’apprécier la performance et de laisser aller son imagination.

> Les 7 & 8/10 à la Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e)

 

Nicolas Cantin
Klumzy

Une femme est seule sur le plateau, elle s’explore à travers quelques objets posés là, comme en attente de prendre vie. L’intimité, sujet de prédilection de ce Français travaillant à Montréal, est ici disséquée afin de repérer ce qu’elle laisse comme ultime trace. Quitte à frôler le rien, le temps est distendu et l’ennui jamais loin, mais ce qui est reste est essentiel, invisible et captivant.

> Les 7 & 8/10 à la Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e)

 

Vincent Thomasset
Médail Décor

Nous gardons tous vaguement en tête cette période brumeuse de l’enfance où le réel vient remplacer la fictionnalisation de ce qui nous entoure. Cela s’apparente aussi à l’entrée dans l’adolescence : beaucoup d’informations nous transforment, les questions se bousculent et chacun trouve (plus ou moins)  les réponses qui lui conviennent. Médail Décor propose un voyage dans ce temps suspendu, à l’aide de deux présences (l’interprète et le narrateur) où un est égal à deux : dédoublement des voix, des corps, mais au fait … qui est cet autre qui me regarde en moi ?

> Les 7 & 8/10 au Théâtre des Bernardines (17 boulevard Garibaldi, 1er)

Diane Calis