Nicole Ferroni

Les 40 ans de la Fontaine d’Argent

L’Interview croisée
Nicole Ferroni, Guillaume Meurice, Alex Vizorek, Marc Jolivet et Fabienne Bécu

 

Premier café-théâtre de « province », ouvert trois ans après le mythique Café de la Gare, la Fontaine d’Argent d’Aix-en-Provence fête depuis quelques mois ses quarante ans. Sa directrice Fabienne Bécu a concocté un explosif « bouquet final » pour cette fin d’année. Retour aux sources avec elle et quelques-uns de ses brillants invités : Nicole Ferroni, Alex Vizorek, Guillaume Meurice et celui qui y a débuté, Marc Jolivet.

 

Directrice de la Fontaine d’Argent depuis mars 2010 avec son mari Jacques Berthier, Fabienne Bécu construit sa programmation en fonction de ce qui va plaire à « son » public en proposant tous styles d’humour : familial, trash, comédie, stand up, humour noir, jeux de mots, humour potache, burlesque… Seul impératif : que le spectacle ne soit jamais excluant et pas de vulgarité gratuite. Son bouquet final 2016, conduit par l’ancienne maitresse des lieux Isabelle Parsy (les 30 et 31 décembre), est composé essentiellement de ses récents coups de cœur : des nouveaux talents en puissance Laura Laune (le 19) et Michaël Hirsch (le 26) et des humoristes confirmés tels Laurent Saint Gérard (le 21), Monsieur Fraize (le 20) ou Richard Ruben (le 22). Le multi primé Jovany y viendra pour la première fois (le 29).
Interview croisée entre passé et avenir.

 

Votre première fois à la Fontaine d’Argent ?
Marc Jolivet :
1983. Je ne risque pas d’oublier : c’est là où j’ai débuté ma carrière d’humoriste solo. J’y suis resté trois semaines avec mon premier spectacle, Le moins drôle.
Guillaume Meurice : Avec un extrait de mon spectacle précédent, Tout le monde y passe, lors d’un tremplin d’humoristes en 2009. Comme toutes les premières fois, c’était trop court.
Alex Vizorek : Noël 2011, je partageais la scène avec Albert Meslay. Je jouais deux fois dans la soirée et j’ai dû attendre ses trois passages à lui pour manger les huitres.
Nicole Ferroni : Tremplin du rire en 2012, je crois. C’était il y a tellement longtemps, j’étais toute petite. Il y avait encore des dinosaures. (Ndlr : Nicole a gagné le Tremplin « Nouveaux talents » en juin 2011 avec un sketch tiré de son spectacle L’Œuf, la poule ou Nicole)
Fabienne Bécu : En tant que spectatrice à mon arrivée à Aix dans les années 90. J’y ai vu Stéphane Guillon à ses débuts et le fameux Bar des oiseaux avec Noëlle Perna et Richard Cairaschi, au moins cinq fois tellement ce spectacle m’a fait rire.

 

Quel est votre meilleur souvenir là bas ?
G. Meurice : Sans doute cette fameuse première fois. Je me souviens qu’il y avait Paul Lederman dans la salle. J’aurais adoré me faire arnaquer par lui comme Coluche ou Les Inconnus.
Vizorek : Le soir du nouvel an. Fabienne m’a enlevé deux mètres de scène pour rajouter quelques chaises supplémentaires et a oublié de me le dire. D’un coup tu te dis « Elle est où cette putain de scène ?» et tu es obligé de jouer tout droit et de te dépasser.
M. Jolivet:
Mon dernier passage avec Christophe Barbier. Entre ce public et moi, ça swingue bien. Je fais toujours l’actu locale et comme je commence à bien connaître Aix, ils s’y retrouvent : Maryse, les travaux…
Bécu : Les grandes tablées après les spectacles avec les artistes, de beaux moments de rencontres.
Ferroni: Moi, ce que je trouve rigolo là-bas, c’est d’attendre dans l’escalier de l’immeuble d’à côté ton entrée en scène. Quand j’en ai marre, je vais dans le hall et là, tu rencontres les gens de l’immeuble qui rentrent avec leurs courses ou viennent chercher leur courrier alors que toi tu es tout pimpant dans ton costume de scène. J’aime bien ce truc là, unique.

 

Quel est l’intérêt pour vous d’y revenir encore ?
M. Jolivet : Je n’y suis pas revenu pendant trente ans et depuis, je passe tous les six mois. Je suis à trois minutes de chez moi. J’ai proposé à Christophe Barbier de le faire avec moi. Il y a une vraie ambiance, un public super, je m’éclate ! Et surtout, il y a un état d’esprit particulier, Fabienne et Jacques ont cet amour du spectacle.

Meurice : Jouer devant des riches. C’est toujours un plaisir. Ils n’ont aucune retenue. Aucun scrupule. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils sont riches.

Vizorek : Juste le pognon ! D’ailleurs, je crois que l’on aurait dû faire payer les 120 personnes en liste d’attente au Jeu de Paume (ndlr : pour leur spectacle commun avec Guillaume Meurice en novembre), comme ça ils auraient eu l’impression de participer d’une manière ou d’une autre.
Ferroni : Quand je m’ennuie, je vais à la Fontaine, c’est à côté de chez moi, trop pratique. Je joue quelques temps dans la cave et je remonte. J’y retourne parce que je m’y sens bien, que j’aime l’équipe, le lieu, la bouffe de Jacques et les chaussures de Fabienne ! Elles sont généralement pleines de paillettes ou de trucs comme ça et ça amène un certain cachet. Elle a une certaine classe, du moins au niveau des pieds. Elle appâte les artistes avec ça. Je suis toujours reconnaissante des petits lieux parce qu’ils vivent en autonomie financière, ce sont des batailleurs. Et aussi parce qu’ils permettent d’accueillir des spectacles en cours de rodage. Souvent je dis : « Aucun spectacle ne commence à l’Olympia. » Nous avons besoin de lieux comme celui de la Fontaine d’Argent où tu peux être en couvaison. Donc c’est un bonheur d’être là pour fêter un théâtre privé qui a tenu quarante ans, ce qui est tellement rare. C’est un signe de résistance.

 

Quel mot caractérise le mieux ce lieu ?
Meurice :
Chaleureux. Au sens figuré, comme au sens propre. À chaque fois, j’y transpire autant que Franck Ribéry quand tu lui demandes de conjuguer un verbe au subjonctif présent.
Ferroni : Familial.
Jolivet : Prof-Amour. C’est un lieu professionnel et plein d’amour
A Vizorek : Ecrin.

 

À quel homme politique confieriez-vous la direction de ce lieu ?
Ferroni
: Initialement, je voulais confier la direction à Bernard Cazeneuve, mais monsieur Valls m’a devancé, et de fait, Bernard n’est plus dispo.
Bécu: À aucun homme politique, même pour quelques heures.
Vizorek : Bokassa car la Fontaine manque de faste. Donc je pense que Jean Bedel pourrait y mettre un truc un peu napoléonien.
Meurice: Bouteflika, comme il est mort et empaillé, il peut apporter une certaine stabilité au lieu.
Vizorek : Et en même temps, pourquoi donner la direction de ce beau lieu à un homme politique, c’est dangereux. Faut pas faire ça, madame !
Jolivet : À mon ami Daniel Cohn-Bendit. Un mec formidable avec qui j’ai fait les Européennes.
Meurice: Daniel Cohn-Bendit, c’est une bonne idée aussi. L’égérie de mai 68 qui roule désormais pour Macron, c’est forcément un mec qui a un rapport à l’humour intéressant.

 

Et à quel humoriste ?
Meurice
: Gad Elmaleh. Le côté « argent » de la Fontaine risque de lui plaire. En revanche, il y a le danger qu’il la délocalise en Suisse.
N. Ferroni: Très bonne idée, Guillaume ! Je pensais à Bernard Cazeneuve, mais le problème reste le même : un manque de disponibilité. Donc je confierais l’administration à Chris Esquerre.
Vizorek : Je ne suis pas sûr que les humoristes soient de bons gestionnaires.
Bécu : A tous les humoristes !
Jolivet : A Monsieur Fraize

 

Qui programmeriez-vous ?
N. Ferroni Je pensais à Johnny ou Céline Dion, de façon à ce que Fabienne et Jacques puissent enfin s’acheter le Porsche Cayenne dont ils rêvent depuis toujours.
Vizorek : Idéalement, il faudrait que ce soit des noms que tu ne connaisses pas puisque le but de la Fontaine est de faire découvrir les nouveaux talents de demain.
Meurice: Il y en a beaucoup ! En priorité celles et ceux qui ne considèrent pas l’humour comme une fin mais comme un moyen.
Jolivet: Je ferais les auditions de tous les gens de la région.
Bécu: Je vois beaucoup de spectacles, à Paris où je vais très souvent, Festival d’Avignon, dans d’autres lieux à Lille, Grenoble, Marseille… Et je regarde beaucoup de vidéos… Je ne programme jamais de spectacles que je n’ai pas vus. J’ai beaucoup de coups de cœur, beaucoup trop pour n’en citer que quelques-uns… Récemment, Piano Rigoletto, Michaël Hirsch, Pierre Aucaigne, Constance…

 

Un petit mot pour Fabienne et Jacques ?
Meurice :
Je suis extrêmement déçu car j’aime bien dire du mal des gens, mais avec eux c’est impossible ! Parce qu’à chaque fois que je les croise, on passe du bon temps, on s’amuse et on bouffe bien. Alors je ne les remercie pas tellement mais je les remercie énormément !
Ferroni : Youci et merpi. Parce que j’hésite entre « youpi » et « merci ». Dans les deux cas, ce sont des petits mots, mais je ne sais pas si je dois davantage les remercier du chemin déjà fait ou les féliciter du nouveau bout de chemin à venir… donc j’opte pour ce compromis qui mettra tout le monde à l’aise.
Vizorek : Je les remercie pour leur fidélité. Sans le maillage de salles comme celles-ci, beaucoup de carrières ne seraient pas allées aussi loin.
Jolivet : Je suis à vos côtés pour trouver la Fontaine d’Or (un théâtre plus grand que Fabienne Bécu cherche).

Propos recueillis par Marie Anezin

 

La Fontaine d’Argent : 5 Rue Fontaine d’Argent, Aix-en-Provence.
Rens. : 04 42 38 43 80 / www.lafontainedargent.com

Retrouvez Nicole Ferroni, Alex Vizorek, Guilaume Meurice dans La matinale de France Inter et les deux derniers dans l’émission Si tu écoutes j’annule tout.
Rens. : www.franceinter.fr

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