ça planche n° 196

ça planche n° 196

Bafouilles, tu vois bien qu’on ne peut rien te raconter, par les Ateliers du spectacle d’après Robert Pinget & G.K.Bradcock-Burnaby
Plic Ploc, par le Cirque Plume
Gens de Séoul 1919, d’Oriza Hirata par le Théâtre de Ajmer
Waterproof, chorégraphie aquatique de Daniel Larrieu par la Cie Astrakan

Bafouilles, tu vois bien qu’on ne peut rien te raconter
_Par les Ateliers du spectacle d’après Robert Pinget & G.K.Bradcock-Burnaby
Mahu voit le monde à sa manière, façon envers du décor, avec sa doublure et ses coutures. Il est sans cesse de l’autre côté du miroir, à l’instar d’une Alice au pays des merveilles contemporaine. Ainsi s’escrime-t-il à ne pas comprendre ce que tous les autres trouvent normal. Il possède, en revanche, la délicieuse faculté de trouver naturel ce que personne ne comprend. Il est au milieu des gens et des choses comme un poisson dans l’eau, mais à contre-courant. Mahu parle donc de l’à peu près, des choses tirées par les cheveux, de la comparaison. Il dit enfin et surtout qu’on ne peut rien raconter. Après Distances, Jean-Pierre Larroche avait encore envie de traiter « le trafic invisible des faits et certains de leurs avatars burlesques. » Pour ce faire, le metteur en scène a fusionné un recueil de textes anciens (1863) de G.K Bradcock-Burnabyen et un roman contemporain de Robert Pinget. Pour un très beau résultat, entre conte de « faits » et histoires de fantômes… _Les 13 & 16 au Théâtre Massalia

Plic Ploc
_Par le Cirque Plume
Huitième création du Cirque Plume, Plic Ploc met en piste un monde imaginaire et merveilleux dont la star est… une goutte d’eau. En 2001, la compagnie franc-comtoise est de passage à New York pour y jouer Mélanges (opéra plume)… Un immense dispositif de tuyaux extérieurs assure la climatisation de son chapiteau, planté au milieu des buildings. Au même moment, le Président américain refuse de signer le protocole de Kyoto. Il n’en faut pas plus au chef de la troupe, Bernard Kudlak, pour laisser vagabonder son imagination : et si le climatiseur tombait en panne, provoquant fuites et catastrophes en cascade ? Ainsi est né Plic Ploc : une pluie de fantaisie avec fanfare tzigane, un torrent de bonne humeur poétique qui mêle pêcheurs d’acrobates et parapluies grimés en fauves, cors de chasses bagarreurs et métronomes déguisés en fleurs… Acrobates, musiciens et comédiens jouent avec l’eau, montrant leur agilité (comme dans le cirque traditionnel), mais en privilégiant le rêve. Voilà qui devrait faire la pluie et le beau temps au J4 en ce début d’été.
_Du 13/06 au 7/07 au J4 (programmation : Théâtre du Gymnase)

Gens de Séoul 1919
_D’Oriza Hirata par le Théâtre de Ajmer
Dans la maison des Shinozaki, le jour de l’insurrection du peuple coréen contre l’occupant japonais, se déroule le quotidien d’une communauté de colons blasés évoquant le souvenir du pays lointain. Dans cette ruche, les dialogues se succèdent au rythme d’événements incongrus. En filigrane, les maîtres s’entretiennent au nez de leurs domestiques coréens, des « bienfaits » de la colonisation. Gens de Seoul est une pièce qui sublime les décalages (générationnels, communautaires et politiques) et radiographie l’être humain dans tous ses états. Le désir de Franck Dimech de questionner le théâtre de Hirata est à l’image d’une plongée : un précipité dans un imaginaire codifié dont le public se sent délicieusement étranger. De ce théâtre venu d’ailleurs, cousu d’angoisses et d’irrépressibles fous rires — les situations et les personnages, nippons ni mauvais tendent à l’absurde —, survient l’empathie, celle qui fait le lien entre nos identités. Encore et toujours d’actualité.
_Le 19 à la Friche La Belle de Mai

Waterproof
_Chorégraphie aquatique de Daniel Larrieu par la Cie Astrakan
Waterproof a une histoire particulière. Celle d’un spectacle qui ne résiste pas qu’à l’eau, mais aussi à l’épreuve du temps. En 1985, la maître-nageuse et chercheuse Anne Frémy convie des artistes à travailler avec elle sur les rapports entre l’eau, l’architecture et la pédagogie. Alors tout jeune chorégraphe, Daniel Larrieu se jette à l’eau en créant une chorégraphie aquatique à la piscine Jean Bouin d’Angers. Si peu de gens l’ont vue (bien que beaucoup connaissent le film qui en a été tiré), la pièce marque les esprits et les débuts du mouvement dansé aquatique. Vingt ans plus tard, le Marseillais d’origine se remet dans le bain avec une partie de l’équipe initiale pour travailler sur la mémoire et les nouveaux territoires de la danse contemporaine. Il s’agit aussi, dans une eau étonnamment plate, de faire l’éloge de la lenteur, de redécouvrir la pesanteur, de s’en libérer. En somme, une belle manière de nager/danser à contre-courant d’une époque qui privilégie la vitesse. Et une somptueuse façon d’inaugurer le Festival de Marseille.
_Les 19 & 20 au Cercle des Nageurs de Marseille (Festival de Marseille)

CC/HS